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Interview complet avec Peter Aalbaek Jensen

  • Writer: Gergana Todorova
    Gergana Todorova
  • Mar 14, 2016
  • 6 min read

Peter Aalbaek Jensen est un des plus grands producteurs en Danemark. Il fait partie des fondateurs d'un des plus grands studios cinématographiques en Europe-Filmbyen, ainsi qu'il inaugure avec Lars von Trier la compagnie cinématographique Zantropa. Il est la figure importante derrière les films, Nymphomaniac, Melancholia, Dogville, Antichrist, Les Idiots, etc. Peter Jensen va nous parler de son travail avec Lars von Trier, une collaboration qui continue depuis plus de 20 ans. Il va nous raconter aussi son aventure avec le tournage de films X et du sentiment d'être banni du Festival de Cannes.

Interview

Vous êtes un des meilleurs producteurs en Danemark. Est-ce que vous pourriez m'expliquer quelles sont les compétences qu'un bon producteur doit en avoir?

C'est un peu comme le football. Le producteur c'est le gardien. Tu n’es pas celui qui gagne le match mais tu es la personne qui fait en sorte qu'on ne perd pas le match. Alors c'est lui le professionnel, le producteur. Il y a un directeur et un scénariste qui sont dans l'attaque; mais tu es dans la défense, essayant d'esquiver les erreurs et les nombreuses victoires pour l'ennemi.

Quelle était le moment le plus difficile dans votre travail avec Lars von Trier? Est-ce qu'il y avait un film qui a testé tous vos aptitudes en tant que producteur?

J'avais un grand avantage pour tous les films, car on était toujours deux producteurs, moi et une productrice féminine. Avec Lars von Trier c'est très important d'avoir deux producteurs, un qu'il aime et un qu'il déteste.

Vous êtes celui qu'il aime ou celui qu'il déteste?

Cela change tout le temps. S'il commence à aimer l'un, il commence à détester l'autre et vice versa. C'est très important parce qu'il est quelqu'un très solennel, très intelligent. Alors cela veut dire que tu dois te confronter à lui. Tu dois être à son extrême opposé, parce qu'il est sur intellectuel et moi je suis un réactionnaire de droite, un homme de type fasciste. Alors nous sommes en très grande opposition l'un vers l'autre, ce qui est très bien puisque cela génère beaucoup de conflits fructueux et bien sûre beaucoup de soucis.

Quelles sont vos rapports avec Louise Vesth?

Elle produit depuis 1992. Elle est une chérie. Comme tous les producteurs, elle est dans la compagnie depuis presque 20 ans. Ils ont commencé comme des jeunes apprentis dans la compagnie et ils ont travaillé dur pour devenir des grands producteurs. D'une certaine manière pour un réalisateur comme Lars il est bien qu'il ait les deux, un producteur masculin et un féminin, attachés à lui.

Donc je suppose que vous êtes des bons amis?

Oui, mais il y avait des disputes comme tu peux l'imaginer, des deux côtés on avait eu des "fuck it, j'arrive plus à le supporter, je veux me barrer". C'est comme si tu fais des histoires amoureuses. Nous sommes tous les deux très directs, avec des grands tempéraments. Nous sommes les deux extrémités contraires, tellement nous sommes différents. Alors tu peux dire que c'est très difficile que l'un fasse une compétition avec l'autre, parce qu'on a des aspirations différentes. Donc nous sommes bien quand nous sommes ensemble et nous ne le sommes quand on est séparés. Ainsi on a confronté cela il y a 30 ans quand on a commencé à travailler ensemble.

Alors est-ce que vous estimez que vous ne pourriez pas travailler avec un autre réalisateur?

J'ai aussi collaboré avec Susanne Bier, une autre réalisatrice célèbre en Danemark, avec laquelle j'ai travaillé de même pendant 30 ans. Donc je suis une personne très fidèle. Je devais aussi travailler avec d'autres réalisateurs, parce qu’autrement Lars m'aurait été beaucoup trop. Si c'était que moi et lui, on se serait tués au bout de deux semaines.

Vous étiez le producteur exécutif avec Lars von Trier sur le premier film pornographique jamais produit par un studio cinématographique destiné au grand public. Quelle est la différence de travailler sur le tournage d’un film pornographique et sur celui de Nymphomaniac ?

Les films X étaient amusants, car on était dans une boîte de production avec des intellectuels et beaucoup de snobs issus du cinéma. Alors je pensais que cela va être un bon élément dynamique dans notre compagnie de faire aussi des films porno et d’avoir des actrices porno et des acteurs qui s’assoient dans la cantine, qui prend leur déjeuner à côté des directeurs artistiques super intellectuels et sophistiqués. Donc cette collision était amusante. Absolument. Ce sont encore les films pornos, les mieux vendus en Scandinavie. J'ai été particulièrement fier quand on a fait un film porno gay appelé Hot Men Cool Boyz. Je suis très fier de cela. C'était amusant d'avoir 30 hommes déguisés en nazis qui courent autour en s'essuyant les fesses l'un l'autre et en baisant dans un studio, lorsque dans le studio à côté on fait un film d'enfants. Je frissonnais, c'était fantastique. Quelle collision.

Est-ce que vous voyez une grande différence entre l'esthétique de Nymphomaniac et celle des films porno?

Pour moi la chose la moins intéressante dans Nymphomaniac étaient les scènes de cul. J'adore ce film et j'adore qu'il soit si extrême. Mais je trouve qu'il est beaucoup plus extrême au niveau émotionnel qu'au niveau des éléments pornographiques. Je dirais que les scènes de sexe sont l'élément le moins intéressant dans ce film.

Vous étiez chargé avec le montage final de Nymphomaniac et donc supprimé les plans pornographiques. N’était-il plus facile de n’avoir pas filmé ces scènes au lieu de les supprimer après?

Le problème est qu’on avait un film qui coûtait 8 million d’euros. Si on avait permis à Lars de laisser les scènes de sexe comme il le voulait, le film n’aurait pas été distribué dans aucun cinéma en Europe, à l’exception de Danemark. Alors cela signifie que j’aurais été poursuit par la justice jusqu’à la fin du monde par tous les investisseurs et la compagnie aurait été en faillite. C'était un choix très facile. Donc mon goût personnel et mon imagination ne souffrent pas. Je n'ai pas besoin de voir une pénétration anale... Si je vois un cul et une pénétration, cela suffit pour moi. Alors je peux comprendre, je n’ai pas besoin de voir directement cette pénétration dans le cul d’une fille. Mais Lars aime bien que cela va comme ça. Si on avait fait cela, on n'aurait pas eu une compagnie, des films et de futur.

Mais par exemple le film Les Idiots contient une scène d'orgie?

Mais cela a été on peut dire une autre époque. Après les vingt ans qui se sont écoulées entre Les Idiots, et Nymphomaniac tout le monde est devenu plus effrayé du sexe, effrayé du nudisme, effrayé de scènes de sexe explicites dans les films. Les temps ont changé pendant les dernières 20 ans.

Il y avait aussi un plan de pénétration dans la version de Nymphomaniac censurée par vous. C’était la scène de polyphonie à la fin de volume 1. Pourquoi vous avez choisi de ne pas le supprimer?

On a fait cela tranquillement avec nos distributeurs locaux, en s'assurant qu'ils ont un film qui pourrait passer la censure partout, ce qui a été le cas- à l'exception de la France, comme vous le savez bien sûre- ils sont fou, ce sont des gens fou.

Je voulais être le plus proche possible aux envies de Lars concernant les scènes. Alors la seule décision ici était d’écouter les distributeurs, de ce qu’ils pouvaient garder en tenant compte la censure locale.

Les scènes pornographiques ont contribué au succès du film ou au contraire, ils avaient un mauvais impact sur lui?

Très mauvais impact. On pouvait vendre beaucoup plus de billets si on n'était pas si explicits. Le film est beaucoup plus fort que les scènes de sexe l'indiquent. Beaucoup de gens se sont sentis gênés de ce film, à cause de sa réputation d'un film avec des scènes de sexe explicites. Je pense que c'est dommage qu'on n'a pas eu une audience plus grande pour ce chef-d'oeuvre. Je pense que c'est un film fou, je pense aussi que c'est un film féministe.

Quelle était le moment le plus amusant dans votre travail avec Lars von Trier?

Normalement tu penses que les moments amusants étaient dans le passé. Mais je dois dire que c'était à Cannes, quand il s'est autoproclamé un nazi, où on était rejeté de tout autour du Festival à Cannes. Dans un moment tout le monde pleurait. J'avais 500 personnes qui pleuraient autour de moi. C'était tellement absurde. Quand ils nous ont appelé et ils ont dit que Lars a été déclaré “persona non grata” cela été mon plus grand triomphe, parce que je savais qu’on a gagné, parce que cela a été trop fou ; cela est allé beaucoup trop loin pour qu'il soit déclaré “persona non grata” au Festival de Cannes. Pendant les derniers 50 ans, des gens se sont mal comportés au Festival de Cannes, mais il n'est jamais arrivé qu'une personne soit déclarée « persona non grata ». Donc ça c’est le moment le plus drôle.


 
 
 

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