Pourquoi l’handicap est si peu médiatisé?
- Gergana Todorova
- Jan 25, 2018
- 7 min read
Afin de définir la place des sportifs avec un handicap à l'écran, il faudrait qu'on s'interroge tout d'abord sur la diversité de tous horizons dans le paysage médiatique

Est-ce que vous avez vu une publicité o’ l'acteur possède un handicap? Un téléfilm où l'acteur principal est handicapé? Certes tout le monde se rappelle de la publicité avec Jamel Debbouze où on voit sa main, parce que cela tourmentait la curiosité d’un large public. Cependant des campagnes promotionnelles de la sorte se comptent sur les doigts de la main.
Au cinéma la question est un peu plus différente, malgré la présence de beaux acteurs stéréotypés, il existe de nombreux films avec des héros handicapés, comme Les Intouchables par exemple ou le chef-d’oeuvre Le Scaphandre et le Papillon. Or dans presque tous les films le handicap des protagonistes est toujours le sujet central.

Quand cela n'est pas le cas, on se contente souvent de voir la même chose- une personne dans un fauteuil roulant, toujours dans des rôles secondaires. En effet c’est le handicap le plus visible et pour cela, le plus représenté, mais il existe six grandes familles du handicap : le handicap moteur, le handicap visuel, le handicap auditif, le handicap psychique, la déficience intellectuelle et les maladies invalidantes. Selon une étude menée par l’INSEE entre 1999 et les années 2000, en France on décompte 12 millions de Français avec un handicap, sur une population de 65 millions. Alors pourquoi on ne voit nulle part ces gens, alors qu’ils sont si nombreux ? À part les films où le sujet central est le handicap et où le but principal en majorité c’est de susciter la pitié, il paraît que ces gens n’existent pas.
C'est le point commun aussi avec les téléfilms et les publicités sur toutes les sortes de médias- le handicap n'est jamais montré comme étant un élément normal qui fait partie de la vie.

Or la plupart de ces gens possèdent une forte volonté et parfois ils comprennent beaucoup mieux l’art de vivre, que les gens valides. Certe un destin pareil n’est pas facile, mais beaucoup de gens ont fait preuve de forte volonté pour revivre leur vie après un accident. Un tel exemple est la présidente de la Comité des Jeux Paralympiques Emanuelle Assmann. Cette femme extraordinaire a subit un accident de voiture après lequel elle a été clouée à une chaise roulante. Au lieu de perdre l’espoir elle s’est relevée grâce au sport et a continué vers l’ascencion avec une médaille de bronze aux Jeux Paralympiques à Athènes en 2004, ensuite est devenue vice-championne d’Europe 2005 à l’épée en individuel, pour arriver au sommet où elle sera présidente du Comité paralympique et sportif français et secrétaire générale de la Fédération française handisport, recompensée avec l’ordre national du Mérite et Chevalier de l’ordre national de la Légion d’honneur. Une femme pareille ne suscite aucune pitié, mais la pure admiration.

Même moins impressionnants, il existe quand bien même de nombreuses d’autres exemples. De ma propre expérience d’enseignante de chant aux adolescents avec autisme, je peux attester que ces jeunes personnes sont souvent coupables du sourire que je porte sur mon visage. Même enfermés dans leur monde ils peuvent inspirer et montrer des belles choses à notre société. Les autistes ont un rapport pur au monde, leurs esprits ne sont pas saillis par les vices et les nombreuses lois sociétales qui nous enferment dans un monde conforme et ordonné, dans des stéréotypes et des croyances limitées. Alors j’estime qu’au lieu d’exploiter ces personnes comme des machines qui produisent de la pitié, on peut essayer d’apprendre quelque chose d’eux et de faire plus pour les intégrer dans la société.
Il est bien de rêver, pourtant les médias continueront longtemps encore de vendre un autre type de rêves, celui des images stéréotypés, séduisantes et idylliques.
Bien plus que les handicapés, la diversité de tout horizon y manque encore et ce phénomène est le plus tangible dans les films publicitaires. On n’y montre jamais une famille où la mère est un peu arrondie, où le fils est amputé d’un bras, ou le père est noir et la mère blanche. On peut aller plus loin encore. Est-ce que vous avez vu une couple homosexuelle faire la promotion d'un produit?

Non, les publicités montrent une famille blanche, où tout le monde est parfaitement mince et beau. Les séries télévisées montrent aussi le couple homosexuel, de même que les handicapés, comme quelque chose de tellement exceptionnel que cela mérite de devenir le sujet central. Mais cette question reste un peu compliquée aussi pour certains genres du cinéma. On n'a jamais vu un super héros gay, une femme fatale lesbienne. Or il est clair que le cinéma reste quand même très ouvert sur cette question par rapport aux autres médias.
Heureusement qu’apparaissent des séries télévisées comme Dix pourcents qui mettent en scène des lesbiennes et des gays comme quelque chose de normal. Dans le monde parfait de la télévision et le cinéma, on doit remercier aussi l’existence d’une poignée de gens qui osent dire des vérités et des faits inconfortables- les humoristes. Ainsi il est inévitable que je ne cite pas le sketch mémorable de Lamine Lezghad qui se moque des handicapés. En regardant ce sketch, les gens sentent de la honte de rire, car cela n’est pas politiquement correct, jusqu’au moment où l’humoriste explique qu’il fait cela pour lutter contre l’exclusion des personnes handicapés.

En parlant de la moquerie on pourrait penser aux enfants, qui possèdent un des regards les plus critiques. Les personnes avec un handicap commencent à être exclus dès un très jeune âge, c’est-à-dire dès l’école. Ainsi j’estime que si on voit plus souvent des handicapés dans les productions audiovisuelles, les enfants aussi s’habitueront à voir ces personnes et donc la discrimination pourrait diminuer. La même chose concerne les personnes souffrant d’obésité par exemple. Si cela existe comme quelque chose normale, on le verra comme tel, mais si tous les films exhibent ces personnes en construisant l’histoire autour de cela on n’arrivera pas à ce niveau. Certes il ne faut pas promouvoir l’obésité, car cela est mauvais pour la santé, mais il ne s’agit pas de cela ici. Il est question de ne pas faire des gens en « dehors » de la norme des héros où un outil cathartique, mais juste de les intégrer dans les médias comme des personnes normales, car ils le sont.
Ce propos est bien illustré dans le film de l’humoriste Nawell Madani C’est tout pour moi. On y remarque une femme avec un bras coupé, sans pour autant en faire un drame autour de cela, mais en le considérant comme quelque chose qui apporte de la crédibilité, car cela fait partie de la vie.
Non seulement la scène humoristique demeure le seul endroit où on parle librement du handicap avec un but autre que la catharsis, mais il semble que cela est le seul lieu où les personnes non valides puissent s’exprimer. D’ailleurs à part le chanteur Gilbert Montagner et le cuisiner Grégory Cuilleron, les seuls handicapés qui arrivent à se faire une vraie place au sein des médias sont les humoristes. Ainsi si on doit penser à des célébrités avec un handicap on évoque toute suite ces trois personnes: Guillaume Bats, Jamel Debbouze et Mimie Mathy.



Il semble que la scène de stand up accueille également les accènts internationaux. De nombreux français d’origine étrangère percent à l’écran, mais ils sont tous nés francophones et donc sans avoir un accant. Évidemment en tant qu’étrangère je ne peux pas m’empêcher de ne pas évoquer ce sujet. Dans ce sens il est très étrange qu’il y a une seule présentatrice étrangère avec un accent et presque pas des publicités. Alors si la télévision et le cinéma sont le reflet de la vie, qu’est-ce que c’est la France ? C’est un pays où toutes sortes d’origines s’entremêlent. À Paris notamment en une journée on peut rencontrer énormément de gens venus de pays différents. En plus le nombre de personnes dont la mère ou le père est d’origine étrangère est très, très nombreux. Alors si cette diversité tellement perceptible dans le quotidien et si peu présentée à l’écran, qu’est-ce qu’il reste pour les handicapés qu’on côtoie moins, faute de pouvoir les intégrer pleinement.
Des concerts, des matchs de football, des compétitions sportives, des programmes culturels, il y a tout à l’écran sauf des personnes avec un handicap. Heureusement les spectateurs ont la chance de regarder une fois à quatre ans les Jeux Paralympiques. Tout au long de l’année de nombreux évènements sportifs et culturels avec des personnes non valides se déroulent. Mais on s’y intéresse que lorsque la journée internationale du handicap arrive, la Semaine pour l'emploi des personnes handicapées et le Téléthon.
Au moins il existe un avantage pour que l’handisport existe quelquepart-l’internet. De plus en plus de programmes web diffusent ce contenu, mais pas la télévision ! Des tournois qualificatifs, des championnats, des meetings internationals, etc. Et si on parle de diversité dans les médias et de sport, on doit remarquer que le sport féminin aussi est très peu médiatisé. Le football, le basket-ball féminin, le hockey sur glace et d’autres à côté du handisport restent bien en marge, alors que ce sont des secteurs bien vivants.


Il y quelques décennies, c’était choquant de voir des afro-américains à la télévision et au cinéma dans un rôle autre que femme de ménage ou chauffeur de taxi. Cependant après un changement des moeurs, grâce aux nombreux combats, des années plus tard, les personnes noires ne choquaient plus avec leur apparence à l’écran et actuellement ils en occupent souvent des rôles principaux.
Cependant on ne peut pas blâmer entièrement les médias. Probablement la société n'est pas encore prête à accepter ces images. La télévision et le cinéma révèlent les symptômes d’une communauté. Mais si les gens ne supportent pas de voir des personnes mutilées ou avec des maladies mentales, c’est aussi parce qu’ils n’ont pas l’habitude de voir ces images. Alors on ne peut pas s’habituer à quelque chose qui n’existe pas. Et surtout les médias doivent susciter l’intérêt du spectateur, les malheurs et la pitié se révèlent alors des facteurs très puissants. Certaines chaînes comme France 2, M6 et TF1 font des tentatives, mais on reste encore bien loin du niveau auquel on doit arriver. De plus certains chaînes après avoir acquis plus d’audience sur le programme donné, s’en débarassent petit à petit de ces images, car elles sont moins séduisantes pour les spectateurs. Donc on tourne dans un cercle vicieux qui semble ne pas avoir une issue et alors il faut qu’on soit reconnaissant aux humoristes qui essayent le plus d’ouvrir la voie vers cette diversité.
Profitez de la liberté d’expression, même si des fois vous croyez que ce n’est pas politiquement correct. Cela pourrait changer des choses. Les personnes avec un handicap ne sont pas des extraterrestres, ils sont des humains qui ont besoin d’être traités comme tels. Le jour où commencera à les considérer comme des personnes ordinaires, sera le jour où débutera leur intégration dans la société.
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