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Le capitalisme est rentré dans nos lits

  • Writer: Gergana Todorova
    Gergana Todorova
  • Sep 11, 2016
  • 7 min read

J'ai probablement tort de génraliser, j'ai peut-être tort sur certains points, mais ces mots expriment ce que j'ai vu à travers mon regard d'etrangère et j'espère que chacun y trouvera au moins un petit bout de vérité. Evidemment beaucoup de mes constats pourront avoir des contre-exemples, mais si je dois les écrire, cela donnera lieu à une thèse.

En tout cas je n'ai pas peur de vos critiques et je serai même contente d'en avoir, afin de pouvoir améliorer cet article et pour exprimer une opinion plus objective pour vous.

Bonne lecture.

...

Paris est la ville capitaliste par excellence-ville dynamique, progrès économique, qualité de vie... Mais là où se trouve le capitalisme il y a aussi l'individualisme. Il vous est sans doute arrivé de vous promener et de voir dans les cafés des gens assis tous seuls. Vous le faites probablement aussi de temps en temps. Mais est-ce que cela prouve qu'on est bien avec soi-même, qu'on est capable de s'intégrer dans la société de l'individualisme ou bien cela est le symptôme d’une société solitaire? Si vous vous promenez au bord d'un canal parsemé de bancs, faites l'expérience de compter sur combien d'entre eux il y a des gens assis tout seuls- vous y trouverez au moins 5 personnes sur 10 sans compagnie.

Mais qu'est-ce que c'est une ville capitaliste? Je vais faire une comparaison avec Paris et la capitale de mon pays natale, Sofia.

Elle fait partie de la Bulgarie qui est un pays relativement pauvre mais qui fait tout de même partie de l'Union Européenne. Certains pensent qu'ici il n'y a pas d'internet, des écoles et que les routes n'ont pas d'asphalte, mais je vais les surprendre- il y a tout cela là-bas. Bien évidemment le standard est beaucoup moins élevé et par conséquent de nombreuses personnes vivent dans la misère, mais c'est un pays normal, avec tout ce qu'il faut.

La grande différence dans les comportements par rapport à Paris, c’est que les gens là-bas sont moins stressés et moins déprimés que les personnes qui habitent les grandes capitales cosmopolites. Pourquoi?

Je ne connais pas la réponse avec sûreté, mais je sais seulement que les bulgares sont moins pressés et que le temps n'est pas autant chronométré qu'à Paris par exemple. Pendant mes retours en Bulgarie il y a tout le temps des mariages et des amis qui m'annoncent qu'ils vont devenir parents bientôt. Alors si sur mille personnes à Paris j'en connais 3 qui vont avoir des enfants, en Bulgarie j’en connais au moins une trentaine. À Paris je rencontre souvent des couples qui sont ensemble depuis longtemps, qui font des enfants mais ne sont pas mariés. En fin de compte le mariage n'est même pas important comme indicateur du bien-être d'un couple. Si on se confie aux conseils de Beigbeder, il est même préférable de ne pas se marier. Mais un autre phénomène indique mieux la solitude qui a envahi les habitants parisiens- de plus en plus de personnes qui ne sont pas en couple et ne veulent pas l'être font des enfants. Je rencontre de nombreuses personnes qui ont du mal à trouver un partenaire constant et qui se voient donc contraintes de faire des compromis comme celui-ci, puisque la montre biologique les presse.

Je m’explique ces différences de la manière suivante. À Paris il y a tout le temps des évènements: des concerts, des pièces de théâtre, une diversité énorme de films qui sortent, des soirées spéciales, etc. Selon lemonde.fr en 2008 les salles de théâtre dénombrent plus de 130; la CNC annonce environ 400 salles de cinéma ; il y a des centaines d’établissements de musique comme les salles de concert, les cabarets, les pianos-bars, et d'autres. On ne décompte pas aussi les nombreuses micros évènements.

Donc il y a une surabondance de l’offre de divertissements. Ainsi on sature notre temps et on essaye de s'organiser de façon qu'il y ait le moins de choses qu'on rate. Tous ces évènements nous entourent par le biais de publicités qui nous attaquent de partout sous formes variées. Avec ce circuit d’information incessante, on a même l’impression qu’on n’a rien vu et qu’on n'a point du temps libre. Donc même en dehors de notre travail on est suroccupé, tout le temps en dépêche, avec un planning bien défini. Alors pour ne pas perdre du temps, les rendez-vous avec des amis sont minutés et rapides. Par conséquent nos rapports deviennent moins humains et on devient une espèce de robots.

En Bulgarie, la situation est bien différente, ce qui a aussi ses défauts. Dans la capitale il y a une quinzaine de théâtres, une cinquantaine de salles de cinéma, peu de salles de concerts, ... Bref c’est un peu le contraire et lorsqu'il y a un grand évènement culturel tout le monde est au courant. Alors les gens ne sont pas préoccupés de faire le marathon des spectacles et ne se sentent pas perplexes dans le choix du loisir. Ainsi comme il n’y a pas une énorme liste de divertissements proposés, la manière la plus commode de s'amuser c'est d'appeler les amis ou de voir la famille. Il faut noter que les bulgares prennent bien leur temps quand ils sont sur la table. Personne n’est pressé et le dîner entre amis continue souvent jusqu'au tôt le matin. En adoptant un mode de vie pareil, où la place de la communication vive est primordiale, les liens sociaux deviennent vraiment fortes. Ainsi naît l’esprit communautaire qui est l’inverse de l’individualisme installé dans les villes cosmopolites.

La société capitaliste a besoin de consommer tout le temps et dans les villes où les habitants sont loin de ces habitudes, les gens prennent le temps pour satisfaire leurs vraies envies: se balader, aller à la campagne, manger avec des amis, faire du sport en groupe, etc. On peut aller voir un spectacle avec n’importe qui, puisque cela n’implique pas la communication, mais pour bavarder pendant des heures, il faut bien une compagnie qui nous est agréable. Ainsi on s’habitue à voir les mêmes personnes avec lesquelles on se sent le mieux.

Le danger dans l’esprit capitaliste est que nos habitudes de consommer se déplacent dans notre vie intime. Les villes cosmopolites comme Paris sont extrêmement peuplées. On peut le mieux apercevoir cela, dans le fait qu'on croise rarement des gens qu'on connaît, même si on a beaucoup de connaissances. Donc là aussi il y a une surabondance de « l'offre ». Alors on éprouve le besoin de voir le plus de monde possible. Cela exige qu'on voie rarement la même personne plus d'une fois par semaine et même dans le mois, car il n’y a pas le temps de sortir avec toutes les personnes qu’on veut voir. Or si on vit comme ça on n'arrive pas à forger des liens stables avec quelqu'un et donc nos rapports deviennent superficiels. Donc l'esprit communautaire disparaît et ainsi vient l'individualisme. Pour cela la plupart de nos amis proches deviennent ceux qu’on voit le plus souvent et involontairement- les collègues du travail.

L'esprit de la société de consommation se déplace aussi dans notre lit. Les hommes rencontrent des femmes superbes, les femmes rencontrent des hommes superbes; ces personnes sont intelligentes, drôles, possédant les qualités qu'on a recherchées, elles sont bonnes même au lit... et pourtant cela reste souvent pour une nuit, parce que jamais rien n'est suffisamment bon.

La population dans les villes capitalistes change tout le temps; les nombreuses soirées et la variété de loisirs, fait qu’on rencontre tout le temps des nouvelles personnes. Ainsi on adopte le comportement de consommateur, on est curieux, on veux découvrir des nouvelles choses dans le vaste océan d’opportunités mais on est constamment insatiable à cause de la conviction qu'on pourra toujours trouver mieux que ce qu’on a. Ainsi on râte l’occasion d’être avec quelqu’un qui avait le potentiel d'être notre partenaire harmonique à longterme ou l'ami proche et véritable.

Le monde va très vite aujourd’hui. Le progrès des technologies, les innovations permanentes de produits qu’on consomme, la créativité augmentée dans les créations artistiques, la manie du gigantisme, font qu’on est habitué à s’attendre dans tous les aspects de notre vie, à l’apparition d’une chose meilleure que celle qu’on a. Chaque jour, chaque seconde, à force de lutter contre la concurrence les gens inventent des nouvelles choses avec lesquelles ils essayent d’attirer les clients. Cela devient un mode de pensée générale qui s’installe dans tous les éléments de notre quotidien. Tout va si vite qu’on oublie de vivre et de se réjouir dans l’instant présent, parce qu’on est dans l'attente des choses meilleures.

Ce comportement se déplace inconsciemment dans notre vie privée. On essaye d’acquérir le plus de compétences possible, pour pouvoir survivre dans le marché et dans la société. On essaye tout le temps de s’améliorer, ce qui est une très bonne chose en soi. Sauf quand tu essayes d’aller aussi vite que le monde et tu te rends compte que tu ne peux pas te rattraper. On utilise ses forces à la limite du soutenable et le moindre échec ruine tout ton être, puisqu'on n’est pas assez performatif et par conséquence incapable de vaincre la concurrence. D'où la solitude, d’où les dépressions qui augmentent notre appétit de consommer- «consommer » des divertissements et «consommer » des gens. D'où l'emploi du temps surchargé, parce que rester seul sans rien faire, signifie penser et parfois « penser » peut-être une chose qui fait énormément peur.

En même temps qu’on cherche quelque chose mieux que leprécédent, nous essayons nous-mêmes d’être meilleurs dans notre performance au sein du travail, de la famille, des amitiés. Or la perfection n’existe pas et par conséquent on est déçu constamment de nous-mêmes et des autres, parce qu’on n’arrive pas à suivre le rythme accéléré du monde et en addition on n’est jamais satisfait des autres.

Alors là où je veux arriver c'est le mot « engagement ». Les gens dans les villes capitalistes ont peur de s'engager dans une amitié, dans une relation amoureuse, puisque cela implique un choix. Si on choisit telle ou telle personne on se limite et on ne peut pas continuer de consommer les milliers de choses que la société deconsommation nous propose. Donc le choix implique le risque d'être déçu. Et s’il y a plus belle que ma copine? Et s’il y a un homme plus romantique que mon petit ami? Et s’il y a une meilleure soirée quecelle-là? Et s’il y a des concerts meilleurs que celui-ci? Ce sont les questions qui empoissonnent nos relations humaines. Au lieu de faire la grève, de sauter d’une soirée à une autre dans la même nuit, et passer notre temps au téléphone pour le prochain rendez-vous, restez là et soyez présents (restez si la soirée n’est pas complètement nulle bien évidemment). Peut-êtrece que vous cherchez est sous vos yeux. Des choses mieux il y aurait toujours. Mais les choses bien qu’on a dans le présent peuvent être aussi très bonnes, il suffit juste de ralentir un peu et d’en profiter. Elles ne seront pas parfaites, mais enfin, rien n’est pas parfait dans ce monde, il y aurait toujours mieux, mais le mieux qu’on pourrait avoir n’est peut-être pas aussi mieux que ce qu’on a.

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