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"Le Silence des agneaux" Et vous, avez-vous repéré la chrysalide?

  • Writer: Gergana Todorova
    Gergana Todorova
  • Jun 5, 2016
  • 15 min read

Qui est Hannibal Lecter, un héros de roman, d'un film, ou une personne réelle? Pourquoi on épreuve une fascination vis-à-vis un personnage si monstrueux et cruel? Quelle est la différence entre un meurtre commis par un policier et celui réalisé par un serial killer? En quoi un profiler peut avoir des points communs avec un sociopathe?

Hannibal Lecter, le vol du papillon

Contexte historique

Au milieu des années quatre-vingt aux Etats-Unis le thème des tueurs en série émerge très vite dans la culture américaine : circulation massive de mensuels consacrés à de vrais serials killers, apparition d’un grande nombre de comics et de jeux sur ce thème, ou encore des émissions télévisées come America Most Wanted. Au début des années 1990 les serials killers s’élèvent même au rang de vedettes sportives avec des cartes de collection. Cette fascination nouvelle pour le tueur en série a sans doute beaucoup à voir avec l'histoire de Ted Bundy, et la découverte qu'un profil d'homme normal, charmant et cultivé, pouvait renfermer une monstruosité effroyable, contrairement au stéréotype répandu qu'un tueur en série avait forcément une apparence de sociopathe.

Le thème du tueur en série acquiert encore plus grand d'importance quand Le Silence des Agneaux gagne l'Oscar, ce qui a provoqué l'apparition de beaucoup de séries télévisées et de films "thriller".

Parmi les plus célèbres meurtriers en série aux Etats-Unis, on peut évoquer les figures de Ted Bundy, d'Ed Gain « Le boucher», et d’Ed Kemper qui occupe une place centrale dans de nombreux magazines et qui a inspiré Thomas Harris pour le personnage d’Hannibal Lecter.

Le réalisme avec lequel le personnage d’Hannibal Lecter nous est décrit tient sans doute du fait qu'il est fortement inspiré de profils ayant réellement existés, Ed Kemper en tête.

Ed Kemper est le premier meurtrier en série interrogé par des profileurs du FBI et ainsi il a contribué à faire mieux comprendre le fonctionnement d'un serial killer. Il est décrit comme un sociopathe responsable de ses crimes et qui n’est pas mentalement aliéné. Ainsi J. Demme a emprunté une grande partie des traits de son caractère, notamment cette façade d'homme « normal », et les a appliqués au personnage d’Hannibal. Ainsi, comme Kemper, Hannibal Lecter est présenté comme un prisonnier modèle, ce qui ne l'empêche pas de commettre deux atrocités lorsqu'il s'évade de sa prison.

Ed Kemper

Repères biographiques d'Hannibal Lecter

D'origine noble, il est né en 1933 en Lituanie. Durant des attaques russes et allemandes, la famille Lecter est contrainte de quitter son château : elle est alors fusillée par les allemands. Hannibal, ainsi que sa sœur Mischa, sont les seuls survivants. Les deux se cachent dans un chalet où se réfugiaient des enfants. Or un bataillon lituanien s'y réfugie aussi et, poussés par le faim, ils dévorent Mischa.

Venu dans la maison de sa tante il commet son premier meurtre en assassinant un boucher, après que celui-ci ait insulté la femme de son oncle.

Plus tard l'adolescent arrive à Paris où il suit des cours de médecine. Cela démontre qu'il a une aspiration vers le savoir scopique du corps humain. Là-bas il trouve les assassins de sa sœur et assouvie vengeance en les infligeant une mort pareille à celle de sa sœur : il les mange. Ensuite il quitte Paris et s'installe aux Etats-Unis où il devient un psychiatre respecté.

Quand il fut emprisonné, Lecter avait déjà commis 14 meurtres.

La double nature d'Hannibal Lecter

La pulsion scopique

La pulsion scopique du savoir chez Lecter est comparable à celle présentée dans la Vénus des médecins, 1781-1782, de Clément Susini. Cette pulsion semble si forte qu'il paraît que Lecter ait envie de voir les intérieurs de ses chefs-d’œuvre - en faisant sortir leurs entrailles, leurs cerveaux, etc. De même Lecter étant psychiatre, il a de surcroit le désir de pénétrer dans la conscience des gens, ce qui a une charge symbolique très forte dans le cas présent.

Lecter est capable de faire des analyses psychologiques très profondes et possède un charisme incroyable lui permettant de convaincre aisément.

Vénus des médecins,

1781-1782, Clément Susini

Ethos du personnage

Il est extrêmement poli et élégant, et fait preuve de beaucoup de délicatesse dans ses gestes et sa façon de s'exprimer. La profiler elle-même en est consciente : elle fait ainsi remarquer à sa collègue Ardilia que Lecter, après avoir s’enfuit, ne la poursuivra probablement pas, car « Il va le considérer comme un manque de délicatesse. »

C'est un personnage très sophistiqué, profond, ambivalent qui s'exprime généralement par des actes de violence. Il est capable d’éprouver certaines affections, comme c'est le cas envers Starling, mais il ne les expose que indirectement, par un acte de violence (comme le meurtre de Migs, un prisonnier qui a insulté Starling) ou en lui accordant son aide.

Il est un psychiatre cultivé, intelligent et gastronome. Il repère immédiatement le parfum de Starling « L’air du temps », qui est un produit très cher et luxueux. La phrase «… J’ai dégusté son foie avec des fèves au beurre et un excellent Chianti.», montre bien que même lorsqu’il mange ses victimes il le fait avec classe et goût ; le vin Chianti est par ailleurs un vin réputé d'excellente qualité. Cette phrase illustre la dualité du personnage, à la fois homme civilisé et monstre redoutable.

Hannibal a une maîtrise parfaite de la rhétorique. Donc il est aussi très bon manipulateur. Cette compétence est affichée lors de sa première rencontre avec l'agent Starling, à qui il parvient à faire confesser des informations personnelles, alors qu’elle a été avertie antérieurement qu’il ne faut rien révéler de sa vie.

Il démontre une nouvelle fois cette maitrise de la rhétorique en convainquant Migs d'avaler sa langue.

Le discours d'Hannibal peut être placé dans le genre oratoire délibératif. Il est le conseiller d'agent Starling, et grâce à ses indications la profiler va triompher dans ses enquêtes. Ses phrases sont brèves et laconiques, et pourtant il donne des conseils à Clarice et lui laisse toujours des énigmes à résoudre.

Le loup-garou : le profil d’un homme civilisé et sociopathe

Caractéristiques du sociopathe-un désir sexuel

Lecter possède aussi une perversité. Quand Migs s’adresse à la jeune agente en lui disant qu'il peut sentir l'odeur de son intimité, le docteur fait à Starling répéter la phrase, alors qu'il l'avait bien entendu. Le fait d'entendre ces mots dépravés de la bouche de cette naïve jeune femme lui fournit du plaisir, puisque Starling l'attire. Or quelques instants plus tard il s’enrage de l’acte pervers de Migs envers l’agent. Hannibal annonce à Starling qu’il va l'aider et que Migs ne la dérangera plus. Il semble passer d'un état à l'autre sans en être réellement conscient. Hannibal déclare par ailleurs que Migs est un fou, alors que lui-même en est sans doute un. Comme si il menait un combat intérieur contre ses démons.

En outre il demande à Starling, de manière très vulgaire, si elle croit que Crawford (le chef de Starling) voudrait coucher avec elle ; comme elle le lui fait remarquer, c'est une question digne de Migs, et donc d'un pervers.

Une autre scène révélatrice est celle de l'aéroport à Memphis, lorsqu'il parle au gouverneur de Buffalo Bill, qui a pris en otage sa fille Catherine. Lecter lui demande si elle avait allaité sa fille lorsqu'elle était bébé, juste pour le plaisir de se moquer d’elle en évoquant un détail intime.

Lecter a un côté très cynique qu'il exprime dans son attitude envers Satrling à laquelle il faut de nombreuses remarques quant à ses vêtements. Il s’amuse véritablement en voyant la faiblesse des autres.

Un profil social insidieux

Hannibal est poli, cultivé, éloquent et rien dans son allure ne révèle qu'il est un meurtrier sans miséricorde. C’est un élément qui pourrait le rendre vaguement sympathique aux yeux du spectateur, car ce charme le rend presque acceptable, « normal » dirons-nous.

Sa maîtrise de la rhétorique est aussi un signe de civilité.

De même tout au long du film on ne voit pas le visage bestial de Lecter. On connait sa nature criminelle qu’à travers l’hypothipose : ses crimes sont racontés et pas montrés ; même la photo de l'infirmière attaquée par Lecter n’est pas exposée. Ainsi on est mis à distance de ses actes sanglants et cela permet étrangement au spectateur d'être fasciné, et non pas repoussé, par sa technique meurtrière.

On le voit commettre des assassinats à la fin du film, quand on a déjà développé une certaine sympathie pour lui. Jusqu'à ce moment-là il est présenté plutôt sous la lumière du psychiatre, l'homme intelligent capable d'excellentes analyses, qui résout des cas criminels que personne d'autre ne peut. En outre, il accorde son aide aux policiers quand il faut enquêter sur des crimes, alors que lui-même se trouve emprisonné par les autorités.

L’affection amoureuse : un trait humain

Etant sociopathe, il est condamné à la perpétuité et enfermé dans un hôpital psychiatrique. Cela lui correspond presque parfaitement. Il a un comportement relativement impulsif et n'a que de l'indifférence vis-à-vis des normes sociales. Il a sa propre compréhension du bien et du mal et n’éprouve pas de la culpabilité pour ses crimes. Cependant il n'est pas indifférent aux émotions. On prendra pour exemple la vengeance pour le meurtre de sa sœur dans le roman de T. Harris, qui fait preuve d’un certain attachement pour elle.

De même on voit bien que le psychiatre est capable d’avoir des affections amoureuses, notamment pour Starling. Sans parler du fait qu'il l'aide dans ses enquêtes, il porte un regard particulier sur la jeune femme tout au long du film. Quand ils se parlent, on peut observer la naissance, sinon d'une véritable amitié, d'une complicité affectueuse, voire d'une admiration réciproque. Le moment où leurs doigts se touchent à travers la cellule, dans la scène où Starling est emmenée par les policiers, est en ce sens très parlante : le geste est d'ailleurs appuyé par un gros plan et un léger ralenti.

Le crime légitime

Dans le commencement du film, lors de la première rencontre de Clarice avec le psychiatre, elle subit le pervers comportement du prisonnier Migs. Hannibal évidemment intéressé par la stagiaire se voit enragé et plus tard venge la jeune stagiaire en forçant Migs à se tuer. Il a donc un motif, même si le spectateur justifie mal de son côté cette cruelle sentence.

Ainsi l'idée de Lecter est que tous ses crimes sont justifiés. Il tue les meurtriers de sa sœur pour la venger, il tue Migs pour le punir de sa grossièreté, et dans "Dragon Rouge" il va même jusqu'à tuer un mauvais flutiste pour la seule raison qu'il gâche le travail de l'orchestre.

Il faut sans doute considérer la mort de sa sœur comme le point de départ de cette pathologie criminelle. Cela pourrait indiquer qu'il n'est pas né avec cette conscience mais qu'il est devenu un tueur par la force des choses. Le simple fait qu'il soit cannibale, ce qui constitue en quelque sorte sa marque de fabrique et le rend emblématique dans la culture populaire, ne semble pas venir d'un gout particulier pour la viande humaine mais d'une méthode vengeresse improvisée, sa sœur ayant été mangé. Pour ce meurtre ci, il parait donc quasi légitime.

Il tue aussi deux policiers chargés de le surveiller, mais cela aussi a une raison : il les assassine pour pouvoir s'échapper, et de même il en tuera deux autres plus tard.

Cela ne peut évidemment pas excuser ses affreuses méthodes. La cruauté n'est pas de l'ordre de la nécessité, c'est un acte de désir, et aussi un acte artistique pour Hannibal. L'art n'existant que pour soi, c'est un acte autotélique. Il a besoin du sang des autres, cela lui donne une énergie vitale. Comme-ci le sang qui circulait dans ses veines ne lui suffisait pas. Le crime à la fois argumenté et cruel : c'est une fusion du mal et du bienfait.

L'effet miroir

Hannibal/Starling

L'aide accordée par Hannibal au profiler pour des enquêtes criminelles peut être interprété comme un désir d'être lui-même profiler. A la fin du film on voit même son double visage, lorsqu’Hannibal est déguisé avec le visage coupé d'un des policiers. Cela montre bien la double nature de Lecter policier/meurtrier qui illustre parfaitement l’équivalence Starling/Hannibal.

Hannibal possède l’avantage d’être à la fois psychiatre et criminel, ce qui lui permet d'être bien plus efficace qu'un simple policier. Donc il sait très bien comment fonctionne la conscience d’un meurtrier, et le fait qu’il soit psychiatre lui permet de comprendre chaque profil psychologique. Il éprouve de la satisfaction à pouvoir décortiquer des cas embrouillés, car il se sait très doué ; il est très fier de lui, et sans doute orgueilleux. Son génie suscite l'admiration chez l'agent Starling, mais aussi chez le spectateur. La jeune femme étant venue demander des conseils, Hannibal devient petit à petit une sorte de professeur pour elle, et l'on peut considérer qu'elle tend à lui ressembler au fil de son enquête.

Elle tente par exemple de s'exercer à la rhétorique. Elle manipule l’ex psychiatre pour qu’il lui donne des informations sur Buffalo Bill en proposant une fausse récompense à Lecter en échange.

Ce désir d’être policier/meurtrier illustre le bousculement entre le bien et le mal. Hannibal se sent légitime de tuer celui qui le mérite de la même manière que le policier exécute un criminel pour l'empêcher de nuire. La différence est que le jugement d'Hannibal répond à un système de pensée détaché des normes sociales. Tandis qu'un policier tue par nécessité, Lecter tue par passion.

La fascination face au crime : les êtres humains perçus comme des objets

Une ressemblance fondamentale entre Hannibal et Starling est l'extase qu'ils éprouvent face à la vue des cadavres.

Pour Lecter le corps mort lui permet de posséder sa victime. Tuer c’est un acte de création, et le cadavre est l'œuvre d'art. Il en est l’auteur et donc le corps lui appartient, comme la peinture appartient à son peintre. De même Ed Kemper (le tueur qui inspiré son personnage) après avoir tué une fille aime à la contempler pour « admirer son boulot ». D'ailleurs, on peut noter que Kemper se livre lui-même à la police, alors que celle-ci n'avait aucune preuve contre lui : mais son besoin de reconnaissance vis-à-vis de sa grandeur était si fort qu'il ne put s'en empêcher. Les serials killers sont souvent fiers de leurs actes, fiers de leur grandeur, de cette capacité à tuer ; se livrer à la police est une manière de voir leurs crimes glorifiées.

Agent Starling de même ne perçoit pas les hommes comme des êtres humains. Elle ne les conçoit pas tout à fait comme des objets mais plutôt comme une sorte d’animaux, pourquoi pas comme des agneaux même. C'est la raison pour laquelle elle comprendra la stratégie de la femme du gouverneur qui répétant le nom de sa fille à la télé, tente de rappeler à Buffalo Bill qu'il a pris en otage non pas un objet mais un être humain. Ce qui sera sans effet, puisque Buffalo Bill utilisera l'indicatif "it" pour parler à Catherine, lui ôtant toute humanité.

On est par ailleurs témoin de l’enthousiasme de Starling face aux cadavres dans le stock de « Harris Moffet », lors de sa découverte d’une tête décapitée. La satisfaction de trouver une victime de meurtre est dû au fait que cela fait partie de son initiation en tant que policier ; de la même façon, Hannibal Lecter conçoit le cadavre, et donc le meurtre, comme une réaffirmation de lui-même en tant que meurtrier, encore appuyée lorsqu'il se livre au cannibalisme.

L’affirmation de soi

Malgré ses réussites, Starling est mécontente de n'être pas estimée par ses collègues. Son chef Crawford par exemple ne mentionne son nom dans les rapports, alors qu'elle a intégralement contribué à la réussite de l'enquête. Ensuite lors des funérailles d’une victime, Starling est totalement ignorée par Crawford, qui converse avec un policier à propos du meurtre de la défunte.

Hannibal cherche aussi cette reconnaissance mais pour ses crimes. C’est probablement la raison pour laquelle il est mécontent d’être enfermé dans un hôpital psychiatrique, moins parce qu'il est dépourvu de liberté que parce qu'il n'est pas considéré comme un véritable criminel sensé mais comme un sociopathe qu'il faut soigner. L’homicide pour Hannibal est l’affirmation de soi et donc ses crimes doivent être reconnus pour ce qu'ils sont : des actes conscients accomplis par un esprit parfaitement équilibré (à sa façon). L'acte de tuer est un triomphe, une victoire sur la mort, une aspiration vers la perfection qui génère sans doute une sensation de contrôle absolu sur la vie des autres. Ainsi comme un Dieu il va décider qui vivra et qui ne vivra pas.

Pôles fascinatoires

La figure du tueur en série implique trois pôles fascinatoires. Le premier est l’élément monstrueux et impensable avec lequel Hannibal tue. La cruauté avec laquelle il tue suscite des questions, comme lorsqu'un policier demande à Starling si le psychiatre est un vampire.

Le deuxième est le pôle spéculaire construit à travers le personnage d’agent Starling qui est son alter ego. On voit même dans un moment (00 :56 :53) l’image de Lecter juxtaposée avec le visage de Starling sur la surface réfléchissante de sa cellule.

Il y a enfin le pôle énigmatique, puisqu'on ne peut pas trouver une logique dans les actes d'un serial killer. Toute simplement son besoin de tuer n’est jamais satisfait. C’est un cycle qui commence avec la préparation du crime et finit avec son accomplissement et puis qui recommence avec la préparation d’un nouveau crime. Il est comparable au cycle de transformation d’une chrysalide, destinée à devenir papillon, même après sa mort.

Phases métamorphiques

  • La chrysalide

Le profileur souvent propose une médiation entre l'humanité et le meurtrier. Clarice Starling est la seule qui réussit à lui tirer des informations concernant les crimes.

Le thème de la transformation est suggéré dès la première victime à laquelle Starling est confrontée. La découverte par Clarice de la chrysalide dans la bouche de la victime est un symbole de la transformation. On rencontre Hannibal dans son état de chrysalide, il ne tue pas et prépare sa stratégie pour s’enfuir. Clarice de même : étant encore étudiante elle est fragile et ses capacités ne sont pas suffisamment développées.

Pour en revenir à Ed Kamper, une des raisons qui l'a poussé à devenir un tueur en série était son désir de tuer sa mère. Elle était professeur d'université, ce qui explique peut-être que les premières d'Ed étaient étudiantes. Cela répondait à une construction quasi hiérarchique : il commençait par des étudiantes, des jeunes femmes qui plus est, pour se préparer à son chef-d’œuvre, sa mère, la première des femmes et le professeur émérite de l'université. C'est un parcours initiatique qui le révèle en tant que tueur.

De même au début du film la transformation de Lecter est annoncée par la chrysalide découverte dans la bouche du cadavre. Il va se préparer pour tuer à nouveau, cherchant par là à se réaffirmer en tant que tueur, ce qui lui est systématiquement refusé dans un asile où on ne voit en lui qu'un fou. Ainsi il va se transformer et redevenir papillon, même après avoir été terrassé.

Starling va essayer de dessiner le portrait psychologique de Lecter pour comprendre mieux la conscience des tueurs en série. Un chemin qui va l'aider à mieux se comprendre elle-même. Les choses s'inversent et c'est Lecter qui va peindre la personnalité de Starling.

Pour mener ses enquêtes elle est contrainte à révéler des informations personnelles. Enfin quand elle va dévoiler son secret le plus intime, sa peur, ce qui est la plus dangereuse information dont puisse disposer Lecter, l’hypothipose dans l’esprit de Lecter est finalement complète et on voit cette image sur les peintures du psychiatre. Son portrait psychologique est complété et donc terminé. A ce moment commence le dernier cycle préparatoire vers l’affirmation. Lecter se nourrit avec la crainte d'autrui, et cela lui donne force et autorité; Clarice de son côté a obtenu tous les éléments nécessaires pour son enquête. Ainsi la métamorphose en papillon peut commencer pour les deux.

  • Le papillon

Lecter accomplit deux meurtres, qui sont les premiers à être exposés au regard du spectateur. On voit son visage infernal et son regard assoiffé de sang. La transformation est accompli, le côté humain est remplacé par la bête, c’est à nouveau lui, le vrai Hannibal. Avec sa libération il dispose d'un pouvoir absolu sur le policier, qu'il choisit de tuer. Alors on voit le symbole de cette transformation laissé par Lecter auprès des deux policiers assassinés. L’image d’un papillon de nuit est créée avec le corps éventré et pendu d’un des policiers sur la cellule, avec des drapeaux qui forment ses ailes. La métamorphose est accomplie et Hannibal a affirmé sa personnalité de nouveau en tant que criminel. Alors il est suffisamment fort pour pouvoir s’enfuir. Sa double nature est fusionnée en un ultime être, redoutablement efficace. Cette fusion est incarnée visuellement par le visage coupé du policier qu'il porte.

En parallèle on est témoin à l’affirmation de Starling comme policier, puisqu'elle trouve et tue Buffalo Bill. Le symbole de papillon apparait aussi chez elle : un morceau de bois peint avec des papillons.

Ainsi l’acte de transformation de Lecter consiste en la préparation de son évasion et l’homicide qui lui ouvrira les portes en revendiquant de nouveau sa gloire de criminel. Il ne tue pas deux personnes ordinaires, mais deux policiers ainsi il montre sa supériorité sur toute sorte d’autorité.

Conclusion

Le personnage d’Hannibal Lecter possède une double nature, un côté humain et un côté monstrueux. La volonté chez Lecter est d’être. Il veut être un surhomme donc il en est, selon ses propres conceptions du bien et du mal. Donc ses actes sont légitimes quand il a un motif. La notion de « responsabilité » est donc trouble chez lui, puisqu'il ne conçoit pas ses actes comme des actions mauvaises, ne répondant aux conceptions morales traditionnelles.

Le profiler Starling incarne le désir d’Hannibal d’être policier et les actions de Starling sont donc dirigées par lui. Il est un excellent manipulateur et donc à l’aide de sa maîtrise de la rhétorique il « marionnettise » Starling.

L’acte de la métamorphose chez Lecter se déroule à travers le personnage de Starling qui est comme son double. Le but des deux personnages est la reconnaissance et l’affirmation de soi. Or pour réaliser cette volonté il faut traverser un long parcours de transformation, afin d’acquérir la force nécessaire et trouver les bons moyens pour atteindre cet objectif.

On comprend que le meurtre est le seul moyen d'atteindre ce but ultime. Donc que ce soit un meurtre qui aille dans le sens de la justice ou un acte criminel, c’est toujours un moyen par lequel on affirme son existence. Ainsi l'homicide devient légitime, car la fin justifie les moyens.

Correction effectuée par Jean Bresson.

Sources

Philip Jenkins. Using Murder: The Social Construction of Serial Homicide, Transaction Publishers, 1994, p. 89

Serge Chazal. Meurtre et sérialité : l’émergence du serial killer dans la culture médiatique américaine. Article dans Études littéraires, vol. 30, n° 1, 1997, p. 71-79.

http://tueursenserie.org/article.php?id_article=13 HYPERLINK

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